mardi 19 mai 2020

Enquête: Ecole ivoirienne: Les missionnaires du délogement

Parmi  les épées qui affolent, d’année en année, l’éducation ivoirienne, le phénomène des congés anticipés en est inéluctablement, l’une des plus tranchantes. Plus couramment,  dans le vif du mois de Décembre ainsi qu’à l’approche des congés de Février,  voire de pâques, les regards, les esprits, les programmes et mêmes les plus grandes ruses des élèves convergent rondement vers les congés. Ce perpétuel phénomène qui flétrit le système éducatif ivoirien a connu, à Abidjan comme à l’intérieur du pays, notamment à Duékoué et Odienné, des incalculables épisodes, des plus confus aux plus obscurs, avec un mode opératoire touffu : Enquête. 
Université Félix Houphouët-Boigny, il est 13H quant débutent nos échanges avec N’seth Odilon, deuxième secrétaire adjoint à la communication de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI).
Pour rappel, en décembre 2019, la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), avait lancé une campagne de sensibilisation sur la vilenie de ce phénomène. Cette campagne s’est pourtant avérée pour le moins improductive, étant donné la récidivité des élèves.
D’emblée, notre interlocuteur n’hésite pas à dédouaner ses pairs : « Il y a une différence entre une grève et un délogement. Ce sont nos bases qui lancent des mots d’ordre de grève et quand sur le terrain, on nous barre la route, on utilise la force », clarifie-t-il, furieux. Le colosse barbu à la chevelure brune a pareillement expliqué qu’au lancement de la grève, la FESCI le fait savoir à l’opinion publique et que sur le terrain, elle se sert effectivement des pierres et gourdins qu’elle trouve pour concrétiser ses intentions.
Ce phénomène désagrège, les écoles qui jalonnent les communes phares du district d’Abidjan dont Adjamé et Abobo qui sont les plus molestées par le volet barbare de celui-ci. 
Dans le sillage de ce tandem communal, Tirangué KABA, Directrice du Groupe Scolaire Jacob Williams de la circonscription Adjamé-Attécoubé et présidente de l’amicale des directeurs d’écoles de ladite circonscription est la première à « cracher le morceau ». Sur un ton extrêmement posé, la directrice, drôlement élégante,  derrière ses verres pharmaceutiques s’exprime: « C’est généralement, le matin, entre 09H et 11h que les élèves convergent vers notre école. Ils sont plus d’une vingtaine et sont majoritairement armés de gourdins, pierres et d’armes blanches. Ce sont pratiquement tous des élèves qui s’entassent devant l’école pour semer la zizanie », a-t-elle dévoilé. Toutefois, son regret  s’est étendu à un épisode sombre qui a médusé les âmes sensibles. En effet, il y a quelques années, ce coup de force périodique a fait couler le sang d’un policier, grièvement blessé, aux alentours du Groupe Scolaire CEMA, théâtre de cet affrontement sanglant.
Aux 220 logements, plus exactement à l’école  « La Croix-Rouge Cité de l’enfance », la tranquillité est frappante. Cette école historiquement emblématique, compte tenu de l’institution internationale dont elle est sous la coupole, échappe coutumièrement à ce déguerpissement. Néanmoins, sa situation géographique la met malencontreusement au centre des actions. La confirmation, nous l’avons aux lèvres de Mr Silué, directeur du primaire au sein de ladite école qui ajuste ces mots : « Des écoles environnantes dont Satigui Sangaré sont maintes fois, prises d’assaut par les mêmes types d’élèves, approximativement une trentaine, tôt le matin, avec les armes similaires à celles qui s’utilisent partout, dans de telles circonstances », dénonce-t-il, très mécontent. Il fustige, par ailleurs, certaines administrations scolaires, qui, sans résistance, cèdent aux velléités de ces élèves par moment accompagnés de la FESCI. 
Dans la commune abobolaise, un autre fief des « délogeurs », un élève de quatrième avait succombé à ses blessures l’an dernier, à la suite d’une opération scolaire musclée, qui a tourné au drame.
Mathieu Tshéssekou, professeur de Philosophie au Lycée Municipal d’Abobo, nous révèle que ce sont quasiment cinquante élèves, sans aucun étudiant, qui chamboulent, fréquemment, leur programme scolaire. Les mêmes armes sont au rendez-vous et les heures se côtoient : 1Oh-11h. Si ses informations sont plutôt lapidaires, ses sources elles, sont par contre extraordinaires. Sur place il nous met en liaison téléphonique avec Adama TRAORE, l’un de ses collègues enseignant au Groupe Scolaire Gbapleu, dans la sous-préfecture de Duékoué. Cette ville martyrisée par la crise postélectorale de 2010-2011 a semblablement connu les affres de ce fléau scolaire, en Novembre 2011, relativement à  l’attaque du Lycée Moderne de la ville qui a emporté un élève.  
Le jeune instituteur nous témoigne que le dernier coup de force scolaire dans la ville avait  pour arène le collège privé Alphonse DOUATI de Duékoué. Selon lui, ce sont environ trente élèves, tous fescistes, en tenue scolaire, munis d’armes blanches, qui ont fait triompher la violence autour de 10H. Il allonge ses informations et les détaillent davantage : « L’administration de l’établissement a tant bien que mal tenté de s’y opposer mais la fougue de ces derniers a eu le dernier mot ».  
Le 11 Décembre 2019, le Général Vagondo DIOMANDE,  actuel ministre de la sécurité et la protection civile avait classé Odiénné parmi les villes les moins touchées par ce phénomène, à l’occasion d’un point presse au Centre National des matériels Scientifiques(CNMS) à Cocody.
Confiné aux cotés des Odiennékas, Wilfried DION, l’un des membres de notre rédaction, enquête successivement au Lycée Moderne1 et au Groupe Scolaire Mamadou Coulibaly1 de la ville. Il y découvre qu’en 2015, tout comme en Décembre 2018, chacune de ces écoles a subi la pire animosité des missionnaires du délogement, dans des conditions encore plus ahurissantes que celles des écoles que nous avons sillonnées à Abidjan. Ces méthodes agressives, perpétuellement employées lors des délogements, ont poussé les chefs d’établissements respectifs à joindre les forces de l’ordre qui ont dû, quant à elles, ragaillardir leurs efforts, face aux hostilités lancés par la ruche d’élèves.
Cette bavure scolaire est durement réprimandée par le gouvernement, dans la mesure où cinquante-six élèves auteurs de délogement, avaient, au total, été déférés à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan(MACA), en décembre dernier.

                             Jean-Cyrille OUATTARA 
                                 Christian KOSSONOU
                                              Wilfried DION
                                          Philippe AKOUA

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